BullshitJob Antropia

Bullshit job ou purpose job ?

« Bonjour, j’aimerais vraiment mettre du sens dans mon travail, pourrions-nous en parler ? »

L’entrepreneuriat et l’innovation sociale prenant, comme les métiers manuels, les atours du « sens », je reçois 3 à 4 fois par semaine, ce type de demande… et je m’en réjouis !

La majorité des boulots seraient carrément des « bullshit jobs » comme le décrit le journaliste et auteur Jean-Laurent Cassely dans son livre La révolte des premiers de la classe, publié en 2017 aux éditions Arkhé, ou des boulots « satisfaisants » mais qui ne résonnent pas avec notre petite musique intérieure et ne nous procurent pas le sentiment d’harmonie que nous recherchons ?

Lors de mes rencontres avec ces aspirants au « boulot avec du sens », nous parlons compétences, rémunération, responsabilités, impact ou innovation sociale.

Dans cette quête du job idéal, on peut être réaliste et se dire qu’on ne trouvera pas en un seul coup le poste parfait. S’en approcher me semble être une bonne tactique.

Les candidats ont globalement compris que « je veux bosser dans le social et mettre en pratique mes valeurs » n’est plus un argument suffisant aujourd’hui (pour ceux qui n’ont pas encore saisi : arrête de parler de toi !). Il vaut mieux se poser la question des compétences que l’on peut apporter à l’organisation que l’on souhaite rejoindre : « je suis bon en communication, en logistique, en contrôle de gestion, et je veux aider votre boite à décoller » (là oui !). Il y a beaucoup de demandes pour « des boulots avec du sens », la motivation et le partage de valeurs communes ne suffisent plus.

Quand on commence à parler argent, ça écrème plutôt pas mal…

C’est vrai que l’entrepreneuriat social ne paye pas bien aujourd’hui, et cela représente un véritable enjeu. Je vois régulièrement passer des offres géniales mais complètement sous payées.

Je me demande si on ne se mentirait pas un peu sur la viabilité économique de nos structures en compressant la masse salariale ? Sur le mode : « Je te donne du sens, mais je ne te paye pas cher ! » Ne manquerait-on pas d’ambition ? Et si on se donnait les moyens de proposer des jobs avec du sens ET rémunérés à la hauteur du marché dit « classique » ?

Aversion au risque, peur bleue de l’échec, travers français ? On préfère souvent maintenir longtemps en vie des projets en faisant de petites économies, plutôt que de se planter royalement.

Est-ce la meilleure manière d’avoir de l’impact sur le long terme ?

Il me semble en tout cas important de réfléchir à ses prétentions salariales et de ne pas accepter un job qui nous paraît mal payé car ce serait générateur de rancœurs plus tard, et cela sonnerait la fin de l’harmonie. Idem sur les conditions de travail et les moyens à disposition pour faire son boulot et être au final fier de ses réalisations.

On peut cependant accepter, un temps, des conditions plus difficiles, parce que l’on croit au succès futur, au modèle économique de l’organisation et à sa capacité à se développer.

Sur ces sujets, il y a un tedX que j’adore et qui m’a été recommandé par ma femme (message subliminal ?…) de Dan Pallota, l’auteur d’« Uncharitable », sur l’ambition dans l’entrepreneuriat social. Ambition dans le sens : « est-ce que les entrepreneurs sociaux se donnent les moyens de réussir ? »
Je suis preneur de vos réflexions !

Le sens, c’est aussi les responsabilités.

Si on arrive avec de l’enthousiasme et des compétences, on peut rapidement accroitre son champ de compétences, au passage sa rémunération, et au final son impact. J’ai personnellement débuté ma carrière dans une entreprise d’insertion (La Table de Cana) comme « service ville »** adjoint de la DRH. Un an plus tard, j’étais patron d’une filiale de 10 personnes, et 2 ans après, directeur d’une entreprise de 70 personnes.

Revenons-en à toi. Tu cherches du sens, d’accord, mais veux-tu avoir de l’impact ? Mener des actions « qui vont dans le bon sens » est une chose, être efficace en est une autre. L’un des critères pour un job qui a du sens est pour moi l’aptitude de l’organisation à se remettre en cause, à questionner son impact réel, pour améliorer en continu son projet social, sans avoir peur du mot « performance ».

En corollaire de l’impact, la place donnée à l’innovation au sein de l’organisation me semble primordiale : capacité à adopter des nouvelles solutions, à créer les conditions pour qu’elles voient le jour, à accueillir les nouvelles idées en se montrant agile. Sans ces atouts, un job « d’intérêt général » peut aussi être très frustrant, et pire, se vider de son sens.

C’est bien un équilibre que l’on recherche : sens, impact, innovation, rémunération, responsabilités, reconnaissance de son engagement … pas si simple de tout cocher !

Alors, suis ton instinct ! Quitte à trouver un job qui a du sens ET encore quelques défauts, que tu pourras gommer progressivement pour en faire ton job idéal.

Jérôme Schatzman,
Directeur exécutif Antropia ESSEC 

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* « boulots à la con, ou boulot avec du sens ? »

** le service ville c’est le service militaire « civil » qui existait dans les années 90 où certains militaires du contingent étaient détachés dans des associations.

 

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